Les lésions ou tendinites du moyen et du petit fessier sont depuis peu reconnues comme une source de douleurs trochantériennes chroniques, résistantes au traitement médical. Du fait de la grande fréquence des ruptures partielles de la face profonde de ces tendons, elles peuvent être diagnostiquées à tort comme des bursites trochantériennes rebelles.
Les récents progrès de l’IRM ont permis de mieux diagnostiquer cette entité pathologique méconnue, analogue aux ruptures de la coiffe des rotateurs de l’épaule.
Nous utilisons un arthroscope standard à 30°, patient positionné en décubitus latéral, sans amplificateur de brillance. En cas de lésion partielle de la face profonde du tendon, la palpation minutieuse au crochet permet le plus souvent de détecter le tendon pathologique. Une bursoscopie permet d’inspecter la face profonde du tendon et de préciser la localisation de la lésion. Un abord transtendineux permet ensuite de réaliser le débridement de la lésion, de réséquer les structures osseuses responsables du conflit (ostéophyte, bec trochantérien agressif) et de réaliser une suture bord à bord du tendon.
Les tendinobursites trochantériennes, connues sous le nom de tendinites du moyen fessier, sont une pathologie fréquente avec une incidence estimée à 1.8 pour 1000 personnes. Les symptômes habituels associent des douleurs dans les fesses, des douleurs latérales de hanche, avec parfois des irradiations postérieures ou dans la cuisse. Le début est généralement progressif et le diagnostic assez tardif.
À l’examen clinique, la mobilité passive de la hanche est normale. La rotation externe, cuisse fléchie à 90°, est douloureuse et la palpation de la région trochantérienne réveille la douleur. L’abduction résistée est douloureuse dans la moitié des cas seulement. Les deux signes cliniques les plus importants sont la douleur lors de l’appui monopodal homolatéral, quasi constante, mais parfois retardée après 30 secondes. Le deuxième signe essentiel décrit par Lequesne est la douleur recréée par la dérotation externe contrariée. Le traitement médical habituel comprend un traitement antiinflammatoire associé à des injections locales de corticostéroides, qui sont parfois répétées en l’absence d’amélioration.
Récemment, plusieurs auteurs ont émis l’hypothèse que l’origine de ces bursites trochantériennes récalcitrantes pouvait provenir de lésions méconnues ou de ruptures des tendons des moyen ou petit fessiers. Quasiment jamais isolée, la bursite sous-jacente est en fait secondaire à une tendinopathie chronique. Ainsi Lequesne a proposé que soit retenue l’indication chirurgicale lorsque quatre conditions sont réunies :
Une meilleure connaissance de l’anatomie et de la pathologie associée aux progrès récents de l’imagerie et notamment de l’IRM a permis de diagnostiquer les lésions partielles et tendinites du moyen fessier comme une source sous-jacente de douleurs de fesses (douleurs trochantériennes chroniques) et de proposer des techniques de réparations endoscopiques modernes.
Le but de cet article est de préciser les signes cliniques et d’imagerie qui doivent conduire au diagnostic de tendinite du moyen fessier, de préciser les indications chirurgicales et de détailler une technique chirurgicale originale de réparation endoscopique de ces lésions du moyen et du petit fessier.
Pour comprendre et traiter les lésions des tendons des fessiers responsables de la tendinite du moyen fessier ou de la rupture du moyen fessier, il est essentiel de comprendre l’anatomie précise des insertions tendineuses, des bourses séreuses et des facettes osseuses du grand trochanter.
Le petit fessier s’insère sur la face antérieure du grand trochanter et le moyen fessier possède trois zones distinctes d’insertion. La portion principale du tendon est épaisse. Elle naît de la portion centrale du muscle et s’insère sur la facette postéro-supérieure du grand trochanter. Plus en avant, une lame accessoire antérieure qui naît principalement de la face profonde du muscle s’insère sur la facette latérale du grand trochanter. La désinsertion ou « rupture » de cette lame tendineuse antérieure est la lésion habituelle.
La bourse trochantérienne ou du grand fessier sépare la face postéro-latérale du grand trochanter du grand fessier en arrière et du fascia lata sur le bord latéral.
Aspect par bursoscopie et histologique d’une dégénérescence de la face profonde du tendon du petit fessier de la hanche droite
Deux bourses séreuses sont annexées aux tendons du moyen et du petit fessier. Une exploration de ces bourses permet de visualiser la face profonde du tendon et de confirmer son aspect dégénératif lorsque la lésion est difficilement identifiable par sa face superficielle.
L’origine de ces lésions est méconnue mais il semblerait que le point de départ soit une lésion d’origine dégénérative ischémique (Figure 2B), aggravée par un conflit mécanique puisque l’on retrouve fréquemment un bec trochantérien agressif ou un ostéophyte, ce qui expliquerait la grande fréquence des lésions partielles de la face profonde.
Une étude électromyographique a montré que la fonction primaire du petit fessier et de la partie postérieure du moyen fessier est de stabiliser la tête fémorale dans l’acétabulum durant la marche.
IRM et endoscopique d’une exostose du sommet du grand trochanter droit responsable d’une rupture partielle de la face profonde du moyen fessier
Les fibres antérieures et centrales du moyen fessier aident à initier l’abduction tandis que le tenseur du fascia lata est le principal abducteur de la hanche.
Ceci explique pourquoi le déficit d’abduction contre résistance n’est pas toujours présent, même en cas de lésion transfixiante du moyen fessier. En faisant le parallèle avec l’épaule, le rôle du deltoïde est assuré par le tenseur du fascia lata tandis que le rôle des moyen et petit fessiers s’apparente à celui des tendons supra et infra épineux.
Il est utile de compléter le bilan classique comportant un bassin de face par des clichés réalisés en rotations, afin de rechercher des calcifications ou des ossifications péri-articulaires, témoins d’enthésopathie.
Lors de l’échographie, la bursite peut être à prédominance postérieure pour la bourse trochantérienne, plus latérale pour le moyen fessier, antérieure pour le petit fessier.
En cas de tendinopathie, la lame tendineuse apparaît noyée dans l’hypoéchogénicité réactionnelle : le radiologue devra s’attacher à retrouver quelques fibres, ou une différence de tonalité au centre de l’hypoéchogénicité pouvant correspondre à la lame pathologique (Figures 4 A, B et C).
L’IRM est l’examen de référence : les tendinites du moyen fessier intéressent essentiellement la lame latérale antérieure du muscle. Toute pathologie fissuraire ou à type de désinsertion de sa face profonde va s’accompagner d’hypersignal plus ou moins important selon le degré inflammatoire en T2 (Figures 4 D, E et F).
Une étude [18] montre que cet hypersignal en T2 au contact supérieur du grand trochanter est le signe le plus sensible (73%) et spécifique (95%) pour diagnostiquer une lésion des tendons abducteurs de la hanche. L’atrophie musculaire des muscles abducteurs dans cette même étude était retrouvée dans 40% des cas lors de la présence d’une lésion tendineuse mais également présent dans 14% des hanches du groupe contrôle et la différence n’était pas statistiquement significative.
Les autres signes étudiés étaient : la présence d’un hypersignal de la face latérale du grand trochanter (présent dans 53% des hanches avec lésion tendineuse), une discontinuité tendineuse (présente dans seulement 27% des cas), une élongation tendineuse (présent dans 53% des cas). La rupture complète de l’insertion de cette lame latérale peut s’accompagner précocement d’une rétraction tendineuse. À terme, la rupture des fessiers va favoriser une dégénérescence graisseuse.
Technique chirurgicale pour traiter une tendinite du moyen fessier
Installation
Le patient est installé en décubitus latéral. La hanche opérée est positionnée sur un coussin permettant d’obtenir environ 20° d’abduction. Le membre opéré est inclus dans le champ opératoire permettant les mouvements de rotation de la hanche opérée.
L’instrumentation utilisée est identique à celle utilisée pour les réparations de coiffe de l’épaule avec un arthroscope standard à 30°, une arthropompe double flux permettant de réaliser une surpression temporaire en cas de saignement et une électrode d’électrocoagulation. La pompe est réglée à 50mmHg de pression.
Abord chirurgicale
Au minimum, trois voies sont nécessaires, mais il est possible de réaliser des voies accessoires à la demande, la région péri-trochantérienne ne présentant pas de risque de lésion vasculo-nerveuse à condition de rester à distance du nerf sciatique.
La voie optique est classiquement réalisée dans l’axe du fémur, 5 cm distale par rapport au sommet du grand trochanter. Les voies instrumentales sont réalisées en proximal à environ 3 cm du sommet du grand trochanter de façon à pouvoir positionner les ancres perpendiculaires au sommet et la facette latérale du grand trochanter.
La palpation à l’aiguille du sommet du grand trochanter permet de se passer d’amplificateur de brillance.
Exposition
Le premier temps consiste à repérer le fascia lata et à l’ouvrir longitudinalement dans le sens de ses fibres. Il est parfois nécessaire de créer une chambre de travail au shaver et à l’électrode vaper afin de repérer cette structure.
La palpation à l’aiguille permet le repérage du sommet du grand trochanter et l’ouverture du fascia lata 5cm en proximal et environ 3cm en distal de façon à exposer les tendons des fessiers. Les berges du fascia lata s’écartent spontanément et il n’est pas nécessaire d’effectuer une excision complémentaire.
Le grand fessier est discisé dans le sens de ses fibres sur environ 3 cm. Ce geste donne accès à la bourse du trochantérienne qu’il faudra exciser au shaver et à l’électrode vaper de façon à découvrir la coiffe.
Repérage de la lésion
Lorsque la rupture est transfixiante, elle est facilement repérée. Il est parfois nécessaire de « dérouler » la coiffe en rotation interne et rotation externe afin de visualiser la lésion. Celle-ci est le plus souvent située à la jonction entre la facette antérieure et latérale du grand trochanter correspondant à l’endroit où la lame tendineuse latérale du grand trochanter et l’insertion du petit fessier se rejoignent.
Il n’est pas rare de trouver à cet endroit une exostose agressive expliquant la physiopathologie de la rupture qu’il faudra exciser lors de l’avivement du grand trochanter.
Rupture partielle de la face profonde du moyen fessier
Il s’agit d’une lésion très fréquente, similaire aux PASTA (Partial Articular Surface Tear) rencontrées à l’épaule.
La principale difficulté vient du fait que contrairement à l’épaule, il n’est pas possible de visualiser ces lésions par leur face profonde, à moins de réaliser une bursoscopie de la bourse du moyen fessier ou du petit fessier qui nécessite d’ouvrir la coiffe qui apparaît intacte (Figures 5 A, B, C et D).
Lorsque la rupture intéresse plus de la moitié de l’épaisseur du tendon, ces lésions sont facilement découvertes par la palpation au crochet : les fibres pathologiques se déchirent spontanément, découvrant le grand trochanter. Il faut alors exciser ce tissu dégénératif jusqu’à voir apparaître du tissu tendineux sain.
Rarement, le tissu ne se déchire pas spontanément, il convient alors d’utiliser le trocard mousse (Figure 6A et B). Lorsque celui-ci peut être introduit à travers la coiffe, il s’agit d’un tendon pathologique. Il faut alors procéder à la technique décrite par Dombs [18] consistant à ouvrir le tendon au bistouri dans le sens de ses fibres. La partie profonde pathologique et dégénérative apparaît alors (Figures 6 C, D, E et F).
Préparation
Il convient d’exciser ce tissu pathologique au shaver jusqu’à obtenir du tissu sain. Une analyse histologique du tendon profond que nous avons fait réaliser sur une rupture de la face profonde dont la face superficielle paraissait intacte, nous a confirmé que ce tissu comportait une altération dégénérative marquée, associant dégénérescence mucoïde, dilacération et remaniement cicatriciels.
L’avivement du grand trochanter se fait à la fraise motorisée, en tournant dans le sens antihoraire afin de ne pas exposer l’os spongieux qui diminuerait la tenue mécanique des ancres. L’os du grand trochanter est cependant plus dense qu’au niveau de l’épaule et nous n’avons jamais été confrontés à un échec immédiat de la tenue des ancres.
Le temps d’avivement est essentiel et il est indispensable de réaliser une excision des ostéophyte agressifs, mais également de réduire le sommet du grand trochanter au niveau de sa zone chauve puisque la localisation très majoritaire des lésions à la face profonde de la lame latérale du moyen fessier laisse à penser que le grand trochanter est agressif pour le tendon et participe à la survenue de ces lésions partielles par un effet essuie-glace lors des mouvements de rotation.
Réparation
Dans la plupart des cas, une réparation bord à bord sur deux rangées d’ancre est suffisante. Nous n’avons pas été confrontés à des ruptures massives rétractées de l’ensemble du moyen fessier avec grand trochanter chauve, et le tendon postérieur épais du moyen fessier était toujours continu, permettant une excellente prise.
Le passage des fils de suture ne présente aucune particularité par rapport aux techniques classiques de réparation de coiffe et les pinces de type bird beak ou pinces automatiques peuvent être utilisées indifféremment. Aucun drainage n’est nécessaire.
Suites opératoires et rééducation
L’opération dure entre une et deux heures en fonction de l’importance de la lésion. L’hospitalisation dure deux jours. Elle peut être réalisée sous rachianesthésie ou bien sous anesthésie générale. C’est votre anesthésiste qui décide avec vous de la meilleure anesthésie en fonction de votre état de santé.
Après l’opération, un pansement stérile est appliqué pendant dix jours. Un traitement de la douleur est mis en place, surveillé et adapté de manière très rapprochée dans la période post-opératoire.
La rééducation
Il convient de respecter une période de six semaines sans appui. La rééducation est entreprise de façon immédiate. Il faut éviter la rotation externe et l’adduction passive et la rotation interne et l’abduction active pendant six semaines. La mobilisation de la hanche se fait jusqu’à 90° de flexion les trois premières semaines puis au-delà par la suite. Nous utilisions initialement une attelle d’abduction que nous avons abandonnée par la suite car jugée trop contraignante. À partir de six semaines, une reprise progressive de l’appui est entreprise ainsi que le travail de renforcement musculaire.
À trois mois postopératoires, la marche doit être normale, sans douleur et la force musculaire des abducteurs et rotateurs de hanche doit être cotée à 4+ ou 5. Le résultat définitif s’apprécie entre quatre et six mois postopératoires.
Quels sont les risques et les complications ?
En plus des risques communs à toute intervention chirurgicale et des risques liés à l’anesthésie, notons quelques risques plus spécifiques à cette chirurgie :
Il est possible que la zone opérée saigne après l’intervention et qu’il se forme un hématome.
En fonction de l’importance du saignement, une évacuation de l’hématome ou une transfusion peuvent s’avérer nécessaires.
La survenue d’une infection de l’articulation reste exceptionnelle. Cette complication connue nécessite un lavage de la hanche et la mise sous antibiotiques plus ou moins longue avec éventuellement une reprise chirurgicale.
Les nerfs qui entourent la hanche peuvent être accidentellement blessés. Cette complication exceptionnelle peut occasionner une douleur et une perte de la sensibilité de certaines parties de la cuisse.
Des petits caillots de sang solidifié peuvent se former et se coincer dans les veines des jambes occasionnant une phlébite. Afin de prévenir cette complication, un traitement anticoagulant est prescrit pendant plusieurs semaines.
Les risques énumérés ne constituent pas une liste exhaustive. Votre chirurgien donnera toute explication complémentaire et se tiendra à votre disposition pour évoquer avec vous chaque cas particulier avec les avantages, les inconvénients et les risques de l’intervention.
Conclusion
Les tendinobursites trochantérienne rebelles au traitement médical sont une pathologie méconnue et sous diagnostiquée. Il s’agit le plus souvent de tendinopathies du moyen et du petit fessier diagnostiquées à tort comme des bursites rebelles.
Le diagnostic est avant tout clinique et la réparation endoscopique des ruptures partielles de la face profonde par un abord transtendineux ou des ruptures transfixiantes semble donner des résultats encourageants.